Mokuonji

Evelyn REIKŌ De Smedt

Evelyn de Smedt est née le 20 novembre 1945 en Sologne, dans la maison de sa grand-mère.  Le bébé, venu très prématurément au monde, survit avec appétit malgré un pronostic plutôt réservé : il pourrait en effet loger à l’aise dans le coton d’une boîte à chaussures, eu égard à son poids et à sa taille, ainsi qu’à l’usage encore inexistant des « couveuses » dans la France profonde de l’immédiat après-guerre.

 

Son père meurt quand elle a douze ans, sa mère quand elle en a quatorze. Evelyn sera élevée principalement par sa grand-mère maternelle, à qui, affirme-t-elle aujourd’hui, elle doit ce lien solide et direct qu’elle aime à entretenir avec la terre, le ciel, les éléments, la simplicité et l’ampleur des choses premières, un lien qui semble lui avoir toujours intimé de ne pas trop s’attarder aux préoccupations personnelles.

 

Au moment de l’adolescence cette première éducation durement marquée du sceau de l’épreuve débouche d’abord sur une franche révolte, et la jeune fille s’émancipe sans partage dès l’âge de dix-sept ans, emportant un bac philo pour tout bagage.

 

Pour ces années qui précèdent de peu l’explosion de la jeunesse à la fin des années soixante, Evelyn s’est dotée d’un programme tous azimut, qui ne récuse aucune expérience, et qui vise à réaliser rien moins qu’un véritable « art de vivre ». La quasi autodidacte plonge résolument dans les philosophies dites orientales, qu’elle parcourt au pas de charge, musarde sans vergogne parmi les milieux qui affichent l’expérience  psychédélique, tâte sans trop d’insistance de la vie « en communauté » à la mode parmi les précurseurs des hippies, écrit et joue pour le théâtre de Ramon Ruiz, voyage, médite yoga, jeûne, et voyage encore, amoureuse de la vie et du Grand Jeu que celle-ci semble à ses yeux constituer : elle a vingt ans et file comme le vent, une décennie durant. Assez pour passer de la révolte à la recherche, et pour apprendre à saisir l’opportunité quand elle se présente.

 

Elle a dans l’intervalle rencontré celui qui va devenir rapidement son mari, Marc de Smedt, aujourd’hui éditeur et infatigable dépisteur des grands témoins de l’aventure spirituelle. Le mariage a été célébré dans une intimité modeste, au gré de laquelle les nobles familles ont été laissées à l’écart. Car il s’agit d’entrée d’un compagnonnage résolu où le terme de quête spirituelle que revendiquent les deux jeunes gens, prend aussitôt du sens : il s’agit de rencontrer et de donner à connaître de tous ceux qui comptent au bénéfice de celle-ci, où qu’ils soient, sans  préjugés et avec la ferme conviction d’avoir à trouver sinon le Graal ou la Toison d’or, du moins l’accès à l’essence des plus grandes traditions, à investir et   magnifier. On écrit, donc, beaucoup et souvent vite, on est apprenti journaliste et éditeur, on apprend, on collationne, on transforme, on publie, on rend accessible, on bouge, incessamment. La première publication des «Techniques du bien être» aux éditions Laffont sera quelques années plus tard (1975) l’aboutissement de cette période de recherche multiforme en même temps qu’une rencontre éditoriale réussie avec l’esprit du temps.

 

Recherche multiforme qui vient paradoxalement de prendre un tour beaucoup plus précis. Au fil de ses voyages et autres itinérances, Evelyn a entendu  parler d’un moine zen récemment arrivé à Paris et qu’elle a en quelque sorte « reconnu » immédiatement, comme porteur de ce qu’elle cherche avec persévérance et détermination. Un moine zen, et surtout un Maître authentique de la transmission, quoique fort peu conforme aux représentations qu’on peut s’en faire alors en occident, un tigre on le verra, une montagne, doté d’une énergie hors du commun ainsi que d’un humour dévastateur :  Maître  Taisen Deshimaru, qu’on appelle déjà le « Bodhidharma des temps modernes »  développe sans relâche depuis quelques années en France et alentour, la mission que lui a confiée son propre Maître, Kodo Sawaki, le moine « sans demeure », lui-même assez peu orthodoxe, et qu’il a suivi sa vie durant, avant que peu avant de mourir  celui-ci  ne lui accorde l’ordination réclamée depuis plus de trente ans. Une mission qui n’est rien moins que d’apporter la pratique du vrai zen à l’occident !

 

S’étant portée vers lui, Evelyn de Smedt s’entend bientôt  intimer d’avoir à ne plus bouger, précisément, à « s’asseoir », seulement mais « totalement », à s’ouvrir, à s’en remettre, et bientôt à prendre refuge au cœur des trois trésors : Dharma, Bouddha et Sangha. Fidèle à son engagement personnel et sauvage, immédiatement certaine de l’immense chance qui s’offre à elle, Evelyn gagne rapidement le petit cercle intime du Maître  et postule bientôt à l’ordination de Bodhisattva, suivie de peu par Marc de Smedt.

 

Deux ans plus tard, en 1975, elle est ordonnée nonne. Maître Deshimaru, qui a pris connaissance de ses publications, et notamment de la  « Pratique des Arts divinatoires » parue un an après les « Techniques du bien-être » lui fait non sans malice observer que désormais le centre de son univers, son repaire absolu, sera bien plutôt son zafu, le petit coussin rond sur lequel elle pratique l’assise immobile et silencieuse à son côté. De fait elle ne quittera plus son maître jusqu’à la mort de celui-ci, en 1982. Près de dix années encore, au cours desquelles elle est notamment en charge des publications qui se multiplient autour de la mission de Taisen Deshimaru, notant, écrivant, maquettant, projetant, éditant tantôt sous son nom, tantôt pour le compte de celui-ci, sans jamais cesser de pratiquer avec lui au Dojo Zen de Paris comme de le suivre inlassablement un peu partout lors des nombreuses sesshin (périodes de retraite spirituelle) qui sont organisées en France, en Europe, voire sur le continent américain, en Afrique ou au Japon où elle l’accompagne à maintes reprises.

 

Désormais Evelyn Reiko (son nom de bodhisattva, qui signifie lumière spirituelle), acquise au rythme très soutenu qu’impulse Taisen Deshimaru – dont la mission historique à proprement parler ne durera que quinze ans ! – peut enfin déployer toute son énergie : ces dix ans sont sa vraie formation, au contact quotidien du maître, pratique exigeante et éducation sans concession alternant avec des temps d’arrêt éclair, joyeux et festifs, au gré d’un flux d’énergie qui semble aussi inépuisable que puissamment créatif.

 

Mais une fois encore le démon de mujo (l’impermanence, loi inhérente à tout ce qui accède à l’existence) vient bouleverser la vie d’Evelyn Reiko, la belle nonne au casque de cuivre, aussi infatigable et inattendue que son Maître Taisen. Celui-ci décède en effet brutalement au Japon des suites d’un cancer fulgurant du pancréas, alors même que sa mission, désormais reconnue des plus hautes autorités bouddhistes, est en plein épanouissement, et que les dojos et les temples se multiplient en France, en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique latine et même sur le continent africain, laissant la perspective en l’état aux mains d’une poignée de ses plus proches disciples, en l’occurrence les plus anciens auxquels il a donné l’ordination.

 

La nonne Reiko se tait longtemps, elle qu’on n’avait guère à prier  pour qu’elle vînt à donner un point de vue laissant généralement peu de place à l’alternative. Elle se tait et continue de « suivre » au côté de ceux qui ont été retenus sinon pour lui succéder, du moins pour gérer la succession du Maître défunt, dont la mission est reconnue comme historique. Car son histoire à elle, c’est la rencontre avec le Dharma, cet « entretien » au plus intime, ce commerce le plus secret, où les discriminations ne trouvent aucune place. Ainsi prendra-t-elle naturellement son tour lorsque sera venu, après une métamorphose personnelle et collective qui laisse intactes voire exalte les qualités les plus singulières, le moment de transmettre et de développer, selon la part insaisissable qui lui revient, l’enseignement transmis par feu Taisen Deshimaru.

 

Evelyn Reiko de Smedt enseigne maintenant le Dharma du Bouddha depuis une vingtaine d’années, aussi bien au Temple Zen Soto de la Gendronnière, fondé par Taisen Deshimaru Roshi sur les bords de la Loire, qu’au Dojo Zen de Paris également fondé par celui-ci et dont elle est Vice-présidente, où encore lors des sesshin que ses proches et disciples organisent au fil de l’an en France et à l’étranger. Elle a créé en 2005, sur un site exceptionnellement préservé du Quercy blanc, l’ermitage de Mokuon-Ji où elle se consacre à l’étude des textes et développe également son enseignement, actuellement à raison de trois sessions par an, été, automne et printemps.

Evelyn de Smedt
Evelyn de Smedt
Evelyn de Smedt
Evelyn Reiko De Smedt
Evelyn Reiko de Smedt

Copyright Mokuonji 2019 Evelyn REIKÒ de Smedt – Créé par CréaVisuWeb